Vie d’entreprise - Refuser la corruption, combien cela coûte-t-il ?


[caption id="attachment_71488" align="alignleft" width="235"] Hery Rason, intervenant à l’ISCAM, chargé de projets, ONG Ivorary Integrity For Development.[/caption] Beaucoup disent que nous sommes arrivés à un point où la corruption est incontournable dans à peu près tous les domaines. Les entreprises sont les plus vulnérables au phénomène de corruption, partant de leur création, au recrutement de leur personnel, à la fiscalité, à l’approvisionnement, jusqu’à l’attribution des marchés. Les entrepreneurs jouent le jeu de la corruption car ils estiment le coût du refus de la corruption élevé sans pour autant avoir des données fiables dans le domaine. Dire non à la corruption a un coût mais nul ne le sait précisément. Par intuition, les entrepreneurs pensent que l’intégrité n’a pas nécessairement sa place dans le milieu des affaires. Une mauvaise perception de la corruption à Madagascar L’indice de perception de la corruption (IPC) permet d’avoir une idée générale de la perception de la corruption à Madagascar. Pour mieux comprendre le système de notation, il est important de préciser que, plus la note se rapproche de 100, plus le pays est perçu comme intègre. Inversement, plus la note se rapproche de 0, plus le pays est perçu comme corrompu. L’IPC a été construit sur huit sources pour Madagascar, provenant de douze institutions indépendantes mesurant la perception de la corruption dans le secteur public. L’indice ne permet pas de mesurer les réalités de la corruption mais reflète partiellement la situation à Madagascar. Aux dernières nouvelles, Madagascar a eu un score de 24/100 sur l’IPC 2017. Classée 155/180, la Grande île a reculé de dix places en comparaison avec Les Seychelles, le Swaziland et le Vanuatu qui devancent Madagascar. Ces derniers ont été ajoutés au classement mondial. Le score de 34/100 en 2008 n’a pas cessé de chuter et se trouve désormais largement en-dessous de la moyenne de 32/100 du continent africain. En effet, le score du pays n’a cessé de s’effondrer, passant de 28/100 en 2014 à 24/100 en 2017.Vous l’aurez compris, la perception de la corruption à Madagascar ne va pas en s’améliorant et les coûts de cette corruption se font sentir. Le coût de la corruption, selon une étude menée par Transparency International – Initiative Madagascar (TI-IM) Une étude sur la corruption dans les services publics à Antananarivo a mis en évidence les impacts de la corruption en termes monétaires et de délai. Quatre cents entreprises ont été interrogées sur les obstacles à l’entrepreneuriat. Dans le cadre de leurs activités, les entrepreneurs graissent la patte des agents publics pour alléger les procédures, raccourcir les délais, éviter de payer des sommes faramineuses. Source : Enquête CAPS, Corruption dans les services publics d’Antananarivo, Transparency International – Initiative Madagascar 2016 D’autres aspects de la corruption, à l’exemple des inspections, les douanes, les vols et les plaintes, sont relatés par l’étude. La part (%) de la corruption sur le chiffre d’affaires s’évalue à 11,23% en plus de versements formels. Le glamour du milieu des affaires à Madagascar pour attirer les investisseurs étrangers perd alors tout son sens aux yeux des entrepreneurs malgaches. Le coût du refus de la corruption dans notre quotidien Bien que le coût de la corruption soit un fardeau pour l’entrepreneur, la refuser n’est pas systématique car cela revient encore plus cher. Encore une fois, aucune étude n’a été menée pour évaluer les coûts associés au refus de la corruption. Notre quotidien a su révéler au grand jour le montant exorbitant que nous devons payer pour ne pas subir les effets du refus de la corruption. Prenons un exemple édifiant ! Un individu X témoigne avoir été interpellé par la police car le pare-brise de sa voiture présentait une petite fissure. Il a refusé la corruption passive de l’agent de police1 et les papiers de sa voiture ont été confisqués. En conséquence, l’individu a dû récupérer les papiers de sa voiture à la fourrière avec des va-et-vient interminables et payer une amende représentant le double ou le triple de la somme sollicitée par l’agent. En synthèse, tant que le coût de l’intégrité est plus élevé que le coût de la corruption, l’on préfèrera s’adonner aux pratiques de corruption. [caption id="attachment_71487" align="alignleft" width="300"] Beaucoup disent que nous sommes arrivés à un point où la corruption est incontournable dans à peu près tous les domaines. Les entreprises sont les plus vulnérables au phénomène de corruption, partant de leur création, au recrutement de leur personnel, à la fiscalité, à l’approvisionnement, jusqu’à l’attribution des marchés. Les entrepreneurs jouent le jeu de la corruption car ils estiment le coût du refus de la corruption élevé sans pour autant avoir des données fiables dans le domaine. Dire non à la corruption a un coût mais nul ne le sait précisément. Par intuition, les entrepreneurs pensent que l’intégrité n’a pas nécessairement sa place dans le milieu des affaires.
Une mauvaise perception de la corruption à Madagascar
L’indice de perception de la corruption (IPC) permet d’avoir une idée générale de la perception de la corruption à Madagascar. Pour mieux comprendre le système de notation, il est important de préciser que, plus la note se rapproche de 100, plus le pays est perçu comme intègre. Inversement, plus la note se rapproche de 0, plus le pays est perçu comme corrompu. L’IPC a été construit sur huit sources pour Madagascar, provenant de douze institutions indépendantes mesurant la perception de la corruption dans le secteur public. L’indice ne permet pas de mesurer les réalités de la corruption mais reflète partiellement la situation à Madagascar.
Aux dernières nouvelles, Madagascar a eu un score de 24/100 sur l’IPC 2017. Classée 155/180, la Grande île a reculé de dix places en comparaison avec Les Seychelles, le Swaziland et le Vanuatu qui devancent Madagascar. Ces derniers ont été ajoutés au classement mondial. Le score de 34/100 en 2008 n’a pas cessé de chuter et se trouve désormais largement en-dessous de la moyenne de 32/100 du continent africain. En effet, le score du pays n’a cessé de s’effondrer, passant de 28/100 en 2014 à 24/100 en 2017.Vous l’aurez compris, la perception de la corruption à Madagascar ne va pas en s’améliorant et les coûts de cette corruption se font sentir.
Le coût de la corruption, selon une étude menée par Transparency International – Initiative Madagascar (TI-IM)
Une étude sur la corruption dans les services publics à Antananarivo a mis en évidence les impacts de la corruption en termes monétaires et de délai. Quatre cents entreprises ont été interrogées sur les obstacles à l’entrepreneuriat.
Dans le cadre de leurs activités, les entrepreneurs graissent la patte des agents publics pour alléger les procédures, raccourcir les délais, éviter de payer des sommes faramineuses.
Source : Enquête CAPS, Corruption dans les services publics d’Antananarivo, Transparency International – Initiative Madagascar 2016
D’autres aspects de la corruption, à l’exemple des inspections, les douanes, les vols et les plaintes, sont relatés par l’étude. La part (%) de la corruption sur le chiffre d’affaires s’évalue à 11,23% en plus de versements formels. Le glamour du milieu des affaires à Madagascar pour attirer les investisseurs étrangers perd alors tout son sens aux yeux des entrepreneurs malgaches.
Le coût du refus de la corruption dans notre quotidien
Bien que le coût de la corruption soit un fardeau pour l’entrepreneur, la refuser n’est pas systématique car cela revient encore plus cher. Encore une fois, aucune étude n’a été menée pour évaluer les coûts associés au refus de la corruption. Notre quotidien a su révéler au grand jour le montant exorbitant que nous devons payer pour ne pas subir les effets du refus de la corruption. Prenons un exemple édifiant ! Un individu X témoigne avoir été interpellé par la police car le pare-brise de sa voiture présentait une petite fissure. Il a refusé la corruption passive de l’agent de police1 et les papiers de sa voiture ont été confisqués. En conséquence, l’individu a dû récupérer les papiers de sa voiture à la fourrière avec des va-et-vient interminables et payer une amende représentant le double ou le triple de la somme sollicitée par l’agent. En synthèse, tant que le coût de l’intégrité est plus élevé que le coût de la corruption, l’on préfèrera s’adonner aux pratiques de corruption.
Les revers de la corruption
À bien y réfléchir, la corruption bien que semblant présentant ses avantages, a en fait ses revers. À court terme, l’entrepreneur voit la corruption comme une parade pour accroître son profit ou simplifier la procédure. Au fil du temps, il s’aperçoit vite que les coûts engendrés par ces pratiques de corruption s’accumulent et engendrent des surcoûts. Prenons l’exemple de l’entrepreneur qui « négocie » le montant de son redressement fiscal auprès de l’agent verbalisateur. En admettant que le montant dû ait été réduit de façon significative, le fait d’accepter de payer équivaut à conclure un contrat à long terme avec l’agent du fisc. Ce dernier ne tardera pas à revenir à la charge en ne laissant qu’une année de répit à l’entrepreneur. Mais il ne faut pas perdre de vue le manque à gagner considérable pour l’État, sans compter la perte des valeurs citoyennes et des normes d’intégrité des agents publics nécessaires à la bonne marche d’un service public.
Le jeu en vaut-elle réellement la chandelle ?
Oui !! Diriez-vous en dépit de ces faits alarmants. Qu’on se le dise, la corruption n’arrange pas uniquement les agents publics. Il ne s’agit pas uniquement d’analyser l’offre mais d’appréhender également la demande. En d’autres termes, la passivité des agents économiques face au phénomène de corruption révèle une complaisance de ces derniers. Au final, est-ce profitable pour les deux parties ?
L’expérience de pays comme le Botswana ou Hong-Kong ont montré que les entreprises avaient fini par reconnaître que le climat des affaires et les gains des entreprises s’amélioraient dans un climat sain sans les pratiques de corruption.
Que faire alors ?
Il s’agit de faire en sorte que le coût de l’intégrité soit inférieur au coût de la corruption. Cela consiste à mettre en place et rendre effectif les sanctions pécuniaires, pénales qui dissuaderont les gens à s’adonner aux pratiques de corruption. Il s’agit également d’adopter un dispositif de lutte contre la corruption au sein des entreprises : (i) exiger auprès des tierces (clients et fournisseurs) l’implémentation d’une politique de lutte contre la corruption, (ii) amener ses employés à respecter un comportement éthique, (iii) dresser une cartographie des risques de corruption et prendre des mesures de mitigation. Mais surtout, il est primordial de s’informer sur les lois existantes pour éviter tout abus des autorités et de refuser toute forme de corruption.
Les autorités de lutte contre la corruption ne pourront pas mener seules leurs luttes. Elles doivent être soutenues par le public et par les organisations de la société civile. Les pays qui y ont réussi ont démontré que lutter contre la corruption est l’affaire de tous et nécessite l’implication de tous les acteurs.
Sachons et osons refuser la corruption pour ne plus être passif à ce phénomène qui gangrène la vie économique.
1 La corruption passive est le fait pour une personne chargée d’une mission de service public, de solliciter sans droit, un don pour s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction[/caption] Les revers de la corruption À bien y réfléchir, la corruption bien que semblant présentant ses avantages, a en fait ses revers. À court terme, l’entrepreneur voit la corruption comme une parade pour accroître son profit ou simplifier la procédure. Au fil du temps, il s’aperçoit vite que les coûts engendrés par ces pratiques de corruption s’accumulent et engendrent des surcoûts. Prenons l’exemple de l’entrepreneur qui « négocie » le montant de son redressement fiscal auprès de l’agent verbalisateur. En admettant que le montant dû ait été réduit de façon significative, le fait d’accepter de payer équivaut à conclure un contrat à long terme avec l’agent du fisc. Ce dernier ne tardera pas à revenir à la charge en ne laissant qu’une année de répit à l’entrepreneur. Mais il ne faut pas perdre de vue le manque à gagner considérable pour l’État, sans compter la perte des valeurs citoyennes et des normes d’intégrité des agents publics nécessaires à la bonne marche d’un service public. Le jeu en vaut-elle réellement la chandelle ? Oui !! Diriez-vous en dépit de ces faits alarmants. Qu’on se le dise, la corruption n’arrange pas uniquement les agents publics. Il ne s’agit pas uniquement d’analyser l’offre mais d’appréhender également la demande. En d’autres termes, la passivité des agents économiques face au phénomène de corruption révèle une complaisance de ces derniers. Au final, est-ce profitable pour les deux parties ? L’expérience de pays comme le Botswana ou Hong-Kong ont montré que les entreprises avaient fini par reconnaître que le climat des affaires et les gains des entreprises s’amélioraient dans un climat sain sans les pratiques de corruption. Que faire alors ? Il s’agit de faire en sorte que le coût de l’intégrité soit inférieur au coût de la corruption. Cela consiste à mettre en place et rendre effectif les sanctions pécuniaires, pénales qui dissuaderont les gens à s’adonner aux pratiques de corruption. Il s’agit également d’adopter un dispositif de lutte contre la corruption au sein des entreprises : (i) exiger auprès des tierces (clients et fournisseurs) l’implémentation d’une politique de lutte contre la corruption, (ii) amener ses employés à respecter un comportement éthique, (iii) dresser une cartographie des risques de corruption et prendre des mesures de mitigation. Mais surtout, il est primordial de s’informer sur les lois existantes pour éviter tout abus des autorités et de refuser toute forme de corruption. Les autorités de lutte contre la corruption ne pourront pas mener seules leurs luttes. Elles doivent être soutenues par le public et par les organisations de la société civile. Les pays qui y ont réussi ont démontré que lutter contre la corruption est l’affaire de tous et nécessite l’implication de tous les acteurs. Sachons et osons refuser la corruption pour ne plus être passif à ce phénomène qui gangrène la vie économique. 1 La corruption passive est le fait pour une personne chargée d’une mission de service public, de solliciter sans droit, un don pour s’abstenir d’accomplir un acte de sa fonction Cahier du management par ISCAM en collaboration avec l’Express de Madagascar
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