Communiquer, c’est exister


Dans une société qui a un fort ancrage dans l’oralité, dans les traditions orales, la communication est généralement circoncise dans le langage parlé. Les autres formes de langage et d’expression sont plus ou moins mises au second plan. C’est peut-être pour cette raison que la relation des Malgaches avec l’art non oral est assez difficile . Pourtant, les Kabary, les vakodrazana ont une place particulière dans nos rituels sociaux. Ce qui n’est pas le cas pour la danse, et la peinture. Cela pourrait aussi expliquer pourquoi, la radio reste toujours et restera encore pour longtemps le moyen de communication par excellence à Madagascar. Le peuple malgache est aussi un peuple de l’imaginaire, des paraboles, de l’histoire orale. Par exemple, nos noms kilométriques qui font bien rire dans le monde entier cachent des histoires de vie, des histoires personnelles, des histoires familiales ; celles d’un clan, d’une dynastie, d’un lieu. De même, chaque prénom en malgache a un sens particulier et toute une biographie à raconter. Dans une communauté qui parle beaucoup, ne pas savoir, ne pas pouvoir parler deviennent donc un grand handicap. Puis, disons les choses franchement, juste ne pas savoir ni pouvoir parler sont source de stigmatisation et d’exclusion. Dans notre société : parler c’est exister. Et pourtant, communiquer n’est pas seulement parler. Il y a différentes manières de communiquer. Dans certains cas où la parole n’arrive pas ou est difficile, communiquer doit s’apprendre et l’accompagnement est nécessaire. Il y a des professionnels qui ont étudié pour appuyer les personnes et leurs familles. C’est ainsi que nous découvrons le fabuleux métier de l’orthophoniste. Par méconnaissance, au départ, on pensait que ce métier consistait seulement à aider les personnes à parler et plus largement, à communiquer. Mais on n’avait connu qu’une infime partie du grand domaine de spécialisation de l’orthophonie. Ce métier est encore très peu connu et très peu exercé à Madagascar. Jusque-là, il n’y a pas encore de Malgache exerçant au pays qui a suivi les cursus universitaires et diplomates. En France, on compte près de 24 500 orthophonistes dont 96% de femmes. Le rôle de l’orthophoniste est de prévenir, évaluer et traiter aussi précocement que possible les difficultés ou troubles du langage (oral et écrit), de la communication. L’orthophonie s’intéresse également à toutes les altérations de la sphère oro-faciale sur les plans moteur, sensitif et physiologique, ce qui recouvre les altérations de phonèmes, les dysfonctions linguales, les troubles des modes respiratoires, la dysphagie, les troubles observés dans les paralysies faciales et les dysfonctionnements de l’appareil manducateur. Elle consiste également à maintenir les fonctions de communication et de l’oralité dans les pathologies dégénératives et neuro-dégénératives, et à dispenser l’apprentissage d’autres formes de communication non verbale permettant de compléter ou de suppléer les fonctions verbales. « être à Madagascar n’est pas une fatalité ! » Durant des jours, deux dames ont donné d’elles pour partager ce métier, appuyer des praticiens, des parents, des bénévoles. Bénévolement, elles ont partagé leurs savoirs, leurs connaissances, leurs expériences. Elles ont pris vraiment le temps d’écouter, de renseigner, de fortifier les participants. En pleurs, une mère a lâché « je sais que je ne suis pas seule dans mon combat ». Oui, malgré le fait que des associations, des parents, des praticiens n’ont pas encore les moyens financiers et techniques, des personnes bienveillantes viennent contribuer à la naissance de bonnes choses, notamment l’espoir. Avec beaucoup d’humilité, d’humanité, des personnes choisissent de changer les choses anonymement. Misaotra tompoko ! Par Mbolatiana Raveloarimisa
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