Sept garçons et sept filles ?


L’adoption par le Parlement de la Loi sur la Santé de Reproduction et la Planification Familiale (SRPF) est une bonne nouvelle. Une étape importante en matière de santé publique est franchie. Cette loi va permettre aux organisations étatiques et non étatiques intervenant dans le domaine de la SRPF de renforcer l’éducation des familles, notamment des jeunes filles et jeunes garçons, pour éviter les grossesses non désirées. Saluons donc cette avancée qu’on peut attribuer au Ministre de la Santé Publique, le Professeur Lalatiana Andria­manarivo, chirurgien pédiatrique de renommée mondiale, qui a eu le courage de défendre avec habilité dès juin 2017, le projet de loi y afférant. Il y a pourtant un bât qui blesse. L’article sorti dans l’Express (14/12/2017), intitulé, « L’avortement thérapeutique prohibé » rapporte les propos étonnants du sénateur Rakotovazaha qui semble mélanger les dissemblances éthiques entre avortement et Interruption Thérapeutique de Grossesse ou ITG. Je ne sais pas si le sénateur a sept garçons et sept filles ou qu’il pense en avoir, mais en ce qui me concerne, avec deux enfants, je suis à la limite de mes moyens. Et je suis estomaqué en voyant un de mon personnel avec quatorze gosses dont 9 encore à sa charge ! En juin 2017, lorsque le projet de loi a été présenté par le Ministre de la santé publique, les députés ont pourtant été incisifs en ajoutant des dispositions « révolutionnaires » autorisant les ITG sous contrôle médical strict. Hélas, les sénateurs les ont rejetées en dépit des tables rondes sur le sujet et des séances d’information hors des hémicycles. La position de l’Église catholique a souvent été évoquée. La Lettre apostolique « Misericordia et Misera » du Pape François rappelle, à juste titre, l’inviolabilité de la vie humaine. Mais le Pape a aussi mis de l’eau dans son vin, comme il le fait sur beaucoup de sujets de société, en incitant les fidèles à « regarder de l’avant » et tenir compte du « temps limité ». Ainsi, entre les Pro-vie (religieux et conservateurs) et les Pro-choix (libéraux), le débat par exemple sur la qualité humaine d’un embryon à moins de 20 semaines est loin d’être clos. L’avenir de l’humanité et du monde dépend autant de l’inviolabilité de la vie humaine que du niveau de miseria évoqué dans La Lettre du Pape, laquelle appelle à faire évoluer les idées emmurées dans les doctrines confrontées au « temps limité ». Ainsi, l’avenir dépend de la capacité des hommes à privilégier une qualité de vie meilleure pour les générations futures et donc à avoir du bon sens. Une chose est sûre : l’état de l’économie de Madagascar d’ici 2030 ne peut suivre l’accrois­sement exponentiel de la population que nous voyons aujourd’hui. Avec l’accélération de la destruction de l’environnement, et donc de notre cadre de vie et le niveau de pauvreté à Madagascar, « inciter les jeunes mariés à donner naissance à sept garçons et sept filles » est tout simplement irresponsable. Ce n’est pas une question de culture, mais de bon sens. Nous devons voir l’avenir de Madagascar autrement. Faire des enfants ou s’en abstenir reste un choix intime laissé au couple, et surtout à chaque femme. C’est surtout un droit que protègent nos lois. Mais avec ce droit sont associées des responsabilités en matière d’éducation des enfants. Le Recensement Général de la Popu­lation et de l’Habitat de 2018 révèlera l’état de la population à Madagascar. Il y a fort à parier que la pyramide des âges est restée la même depuis des décennies. Et nous verrons bien si inciter les jeunes mariés à faire quatorze gosses est une initiative réfléchie. Par Richard J. Randriamandrato
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