Oktoberpest


Trop tard. Il a fallu la mort d'un jeune comorien et d'un entraîneur seychellois de basket-ball pour que le gouvernement réalise l'ampleur du danger charrié par la peste. Ni la mort de plusieurs compatriotes d'un bout à l'autre de la capitale et du pays, ni les alertes à travers les médias, ni la panique qui envahit la population, n'ont réussi à secouer la torpeur du gouvernement , qui comme à son habitude s'est contenté de discours anesthésiques. Pire, la presse a été accusée de sensationnalisme, de diffusion de fausse nouvelle voire de déstabilisation. Il a ainsi pris le fléau a la légère préférant s'en prendre à la population qui se rue vers le médicament miracle qui est un curatif et non un préventif, ou aux spéculateurs qui mettent du beurre dans leurs épinards en décuplant le prix du Cotrim. Au lendemain de la mort de la première victime, le ministère de la Santé publique a déclaré par-dessus le marché que l'épidémie de peste est parfaitement maîtrisée et le ministre lui-même a préféré un dérivatif en séparant deux sœurs siamoises au lieu d'empoigner le problème à bras le corps. Un événement hautement médiatisé pour détourner visiblement l'attention de l'opinion. Mais la peste est indécrottable. D'autres victimes sont répertoriées au fil des jours a des endroits différents. La capitale est frappée en plein coeur mais ce n'est pas encore assez pour que conseil des ministres consacre une réunion de crise. Aucune mention de la peste mais un chapelet de nominations de hauts fonctionnaires. Si le Président maintient sa position de ne pas accorder aucune compromission à ceux qui n'assurent pas leurs responsabilités, le ministre de la Santé pourrait se trouver dans l'oeil du cyclone. Ce n'est que samedi, lorsque la peste s'est dotée d'une envergure internationale en s'attaquant aux ressortissants des autres îles que l'équipe du Premier ministre Olivier Mahafaly Solonandrasana a daigné prendre des décisions significatives, à défaut d'être réalistes. Toutes les manifestations publiques, en particulier les spectacles et les tournois sportifs sont interdites ou doivent se dérouler à huis-clos comme c'était le cas de la phase finale de la Coupe des clubs champions de l'océan Indien de basket-ball. L'objectif est bien évidemment de limiter la propagation de la maladie avec la promiscuité des spectateurs. Une demi-mesure en définitive puisqu'on voit mal les autorités oser interdire les cultes religieux, les cours dans les écoles publiques qui reprennent aujourd'hui. Comment éviter également aux passagers des taxi-be et des taxi-brousse de ne pas se frotter ? Pour limiter les dégâts, les gens vont porter des masques ou carrément du burkini, d'autres vont peut-être se calfeutrer dans un casque à vitres fumées. Ce qui va davantage compliquer la tâche des forces de l'ordre étant donné que les bandits vont en profiter pour se noyer parmi leurs proies. La lutte contre la peste est désormais davantage compliquée qu'il y a 70 ans, étant donné que la population a quintuplé, la pauvreté a décuplé, l'instruction a été divisée par vingt, l'indiscipline s'est accrue. Si jadis, il était plus facile d'inculquer la propreté depuis les fokontany, aujourd'hui les projets d'adduction d'eau potable et de lavage de la main avec du savon se heurtent à la fois à l'entêtement des habitants et leur penchant pour la crasse et surtout a la rareté de l'eau, distillée au compte-gouttes, même dans la capitale. Du coup toutes les sensibilisations tombent à l'eau. Pire, les familles des victimes refusent de croire à la triste réalité et s'opposent à ce que les autorités enterrent de force leurs proches dans des fosses communes comme l'exigent les dispositions sanitaires. Sans possibilité de famadihana plus tard et peut-être pas de retrouvailles dans l'eau delà. Octobre débute par une actualité funeste. Auparavant mois des buveurs de bière, aujourd'hui devenu mois de la mise en bière. La faute en est à Oktoberpest. Par Sylvain Ranjalahy
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