Des variétés de la sylve pour agrémenter l’ile


L’immense et dénudé plateau central de la Grande ile est entouré d’une sylve malgache. Dans les années 30, il n’existe aucune brèche sérieuse dans cette ceinture forestière juste coupée, çà et là, de fleuves et de rivières, mais une infinité de visages, tons et de profondeurs. En fait, on ne saurait parler de la « forêt de Madagascar », mais des forêts betsimisaraka, tanala, antemoro, antandroy, mahafaly, masikoro, sakalava et de bien d’autres. Il apparait, en effet, que « les associations d’arbres et celles des hommes se sont groupées deux par deux, par affinité, races humaines et peuplements végétaux, pour ne former qu’un bloc vivant, indestructible et profondément attaché au coin de terre d’un ancêtre commun ». Dans la Grande ile, la forêt s’étale le long du rivage, atteint les hautes terres de 1 000 à 2 000 mètres d’altitude, du Nord, du Centre ou du Sud, mais ce qui frappe le plus, « c’est qu’on n’aperçoit aucun arbre du pays ». D’après les botanistes, cette anomalie résulte de l’ancestrale pratique malgache des « tavy », qu’ils décrivent comme « des destructions suivies d’incendies de forêts » en vue de la culture de plantes vivrières. Une pratique contre laquelle il est très difficile à l’administration de réagir complètement. La forêt recule peu à peu des plateaux les plus peuplés, pour se cantonner dans les régions côtières et intermédiaires, au fur et à mesure du développement de la colonisation dans la périphérie de l’ile. Autre cause de la régression du domaine boisé « et pour une large part », les feux annuels allumés dans les prairies et les terrains broussailleux pour le renouvellement immédiat mais éphémère des pâturages. « Ces feux lèchent les lisières forestières et les font reculer chaque année davantage. » Là où le feu passe, au bout de quelques siècles sinon des années, l’arbre ne peut plus repousser et la végétation naturelle se raréfie. Et c’est le cycle infernal : l’érosion entraine la mince couche de terre  déjà calcinée par l’incendie lui-même. De ce fait, tout essai de peuplement forestier artificiel devient presque impossible. Ainsi dans les années 30, ces régions centrales présentent un paysage fait « d’une rougeoyante nudité d’une beauté aride et sauvage», alors que la grande et vaste forêt couvre encore près de six millions d’hectares. Trois grands types de forêt sont constatés à Madagascar. À l’Est, elle a un caractère tropical, à l’Ouest elle affiche des feuilles caduques et dans le Sud, c’est la forêt xérophile. Mais ce n’est qu’une distinction générale de la sylve malgache, car il existe tous les stades intermédiaires de ces trois types, sans oublier que chacun renferme un certain nombre de peuplements très particuliers et localement cantonnés. En outre, l’appellation « forêt de l’Ouest à feuilles caduques » est trop générale, puisque l’Ouest possède toute une mangrove malgache à palétuviers, dont le feuillage persiste pendant l’année entière. La forêt de l’Est, fuseau ininterrompu qui s’étire dans la région Nord de Toamasina, avec « l’énorme appendice» de la presqu’ile Masoala, présente quatre variétés très nettes. Ce sont la forêt côtière et lagunaire, la grande forêt primitive de la première falaise, la forêt secondaire et dégradée de la région intermédiaire et les peuplements homogènes de raphia. Entre la mer et le Canal des Pangalana, le sol arénacé est recouvert d’une végétation claire et élancée qui fixe le sable des dunes. Les Pandanus et les Dracoena y découpent leurs éventails et leurs panaches entre les légers feuillages des copaliers et des filaos. D’autres végétaux halophiles appuient leur corps sur des nombreuses racines aériennes telles de véritables béquilles soutenant les branches symétriques. Un peuplement assez semblable, mais plus dense, s’étend au-delà de la lagune et s’enrichit d’espèces variées vers les contreforts de la première falaise. On y rencontre les plus beaux bois d’ébénisterie de Madagascar : bois de rose, ébènes veinés, palissandres rouges ainsi que des bois de menuiserie fine, parmi lesquels les Hintsy, le Piro et le copalier. « Cette dernière essence produit également la fameuse résine copal dont la valeur donne lieu à un actif commerce. »
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