Mort sur ordonnance


Boucs émissaires ou médecins assassins ?  La mort d'un patient dans un hôpital public, faute de prise en charge à temps par un médecin a défrayé la chronique la semaine dernière. Un fleuve de blâmes s'est abattu sur le comportement des médecins dans les hôpitaux publics, et sur le traitement réservé aux patients. Les critiques sont d'autant plus violentes que le fait est hélas, courant. Les hôpitaux publics traînent une triste réputation concernant l'accueil et le traitement des malades. Il est indéniable qu'il y a des comportements cavaliers et quelque peu irresponsables de certains médecins qui ne sont visiblement pas à leur place ou qui se sont trompés de vocation. Des faits déplorables et lamentables ont été répertoriés dans les établissements hospitaliers publics à l'image de négligence, de longue attente dans les urgences, d’absence de prise en charge, d’arrogance du personnel soignant, de la corruption... Ce sont des comportements tout à fait humains qui sont, certes, condamnables mais qui découlent de plusieurs paramètres. En revanche il ne faut pas perdre de vue les efforts colossaux déployés par des médecins consciencieux qui font honneur  à leur métier malgré plusieurs manques et imperfections dans les hôpitaux publics qui sont de véritables mouroirs. Les médecins sont souvent confrontés à des tâches insurmontables et encaissent toutes les conséquences de l'échec d'un traitement ou sont tenus responsables de l'issue fatale d'un cas de malade. Ils font face à un délicat cas de conscience quand le patient n'a ni les moyens pour se payer les médicaments et le traitement, ni des proches pour l'aider dans un cas d'urgence. Le médecin doit-il rester dans son rôle de sauveur de vie de par sa compétence ou est-il obligé de subvenir aux besoins en médicaments du malade sans lesquels la vie de ce dernier est en danger   Un dilemme cornélien étant donné que malgré la situation sociale d'un médecin d'État, la plupart du temps opérant dans une ou plusieurs cliniques privées, il n'est pas censé devoir combler les lacunes d'un établissement public où seul le service du médecin est gratuit. Tout est payant, les médicaments comme les compresses, l'alcool, les seringues, les cathéters... Les médecins accomplissent un miracle chaque jour dans des hôpitaux où les ambulances sont un luxe, les divers services (neurologie, cardiologie, oncologie, pédiatrie, ophtalmologie...) sont équipés par les clubs de service et l'aumônerie internationale. L'État à travers le ministère de la Santé, a d'autres priorités et l'équipement des hôpitaux publics ne fait pas partie de ses soucis premiers. À preuve, il s'est payé six ambulances à l'occasion du sommet de la francophonie bénéficiant d'une franchise douanière décidée en conseil des ministres. Pourquoi ne pourrait-on pas généraliser une telle mesure pour doter tous les centres de santé d'une ambulance   Cela ne fera pas baisser la recette douanière plus que les trafics de bois de rose ou les franchises accordées à d'importantes personnalités politiques à l'image des députés. Quand on sait que l'hôpital Joseph Raseta à Befelatanana n'est même pas équipée d'une rampe pour faire monter les malades au brancard, n'est même pas doté d'un ascenseur pour grimper trois étages, n'est même pas muni d'équipements pour les handicapés, on réalise mieux les difficultés des missions des médecins .  Il est loin l'époque où l'hôpital de Befelatanana ou celui de Soavinandriana donnait  encore à manger aux malades ou aux gardes malades avec un menu digne d'un restaurant trois étoiles. Actuellement, il faut se ravitailler dans les gargotes du coin qui ont proliféré. Cela n'exclut pas l'existence d’une mauvaise volonté de certains membres du personnel hospitalier. Un paysage lugubre où la mort se donne sur ordonnance et ce n'est pas toujours la faute aux médecins. Par Sylvain Ranjalahy
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