Question d’image


Les images de ces Vénézuéliens, qui partent sur le chemin de l’exode, rappellent celles de ces Européens de l’Est désertant les pays du bloc communiste pour s’engouffrer à travers le rideau de fer que la Hongrie avait commencé de démanteler à ses frontières avec l’Autriche, en mai 1989. Personne n’a oublié ces images en direct d’une longue file de Trabant (la voiture symbole de la RDA) franchissant le Mur de Berlin pour gagner la RFA. Images terribles de l’échec total d’un système. Il n’y a pas pire acte d’accusation contre une mauvaise politique et contre les dirigeants qui s’obstinent à la défendre que ce choix des pieds. Partir. Ces images sont différentes des longues files de déplacés de la seconde guerre mondiale ou des «migrants» fuyant la guerre civile en Syrie ou chassés par les soldats de Daech en Irak. Dans l’Europe de l’Est de 1989, il n’y avait aucune guerre. Pas plus qu’il n’y a de guerre au Vénézuela de 2018. Dans l’Afrique sub-saharienne de ces années 2000, ce sont moins les dernières guerres civiles que la misère d’un sous-développement chronique qui pousse des populations entières à marcher vers la Méditerranée. Les images de ces milliers d’Africains traversant le désert du Sahara sont rares, à croire qu’elles se sont banalisées. On ne retrouve ces pauvres bougres, pressurisés par la mafia des passeurs, qu’une fois leur embarcation de fortune en détresse aux larges des côtes italiennes. Ceux-là sont partis depuis très longtemps, et ils ne sont toujours pas certains d’être arrivés quelque part. À une époque, on voyait les mêmes images de naufragés volontaires, des centaines de «Balseros» cubains voulant s’échapper de l’absurdité castriste pour tenter de rallier à la nage, ou à la dérive, la Floride étasunienne. Flagrant délit de faillite d’un paradis démagogique qui n’a jamais existé que dans les discours de ses théoriciens. Chaque fois, Allemands de l’Est, Hongrois ou Tchèques (ou Polonais ou Roumains, etc.) de 1989, Sahéliens des années 2000, Vénézuéliens de 2018, des populations abandonnent leur pays dont ils ont fait le tour de la désespérance. À un moment, à force de tourner en rond, les gens réalisent que l’avenir est un cul-de-sac. Ce n’est que ces dernières années (plus grande communication ou simple recrudescence de la réalité) que les Malgaches découvrent ce phénomène d’exode à leurs portes. Entendre parler d’embarcations malgaches arraisonnées par la marine française de Mayotte. En 1976, les Mahorais choisissaient de rester vivre «en» France, tandis que Madagascar entamait une expérience socialisante qui allait s’avérer catastrophique. Les rodomontades révolutionnaires et progressistes contre l’illégalité voire l’illégitimité de ce référendum se sont depuis longtemps tues, maintenant que, quarante ans plus tard, des kwassa-kwassa comoriens ou des boutres malgaches tentent de débarquer clandestinement à Mayotte. Le rush vers la maternité de Mamoudzou, capitale de Mayotte, et la perspective d’une naissance «jus soli», accuse la ruine que sont devenues les îles voisines du 101ème Département français (depuis le 31 mars 2011). Le président vénézuélien, dinosaure rescapé d’une époque qui avait pu croire que le «Che» et les «barbudos» allaient sauver le monde par la révolution communiste, s’est d’abord plaint du traitement dégradant que les pays voisins infligent à ses compatriotes. Ceux-ci, préférant les quolibets et les vexations de là-bas à la famine de chez Nicolas Maduro, ce dernier maintenant de les exhorter à rentrer à la maison plutôt que de curer les toilettes chez les autres. Souvent, ce genre d’incompétence au pouvoir se double de cécité et de surdité face à la réalité. Les images de ces femmes malgaches choisissant de s’expatrier vers les pays arabes du Golfe ou du Levant demeurent rares à leur départ. Mais, une fois accompli le cycle des humiliations, des coups et blessures, des viols, des assassinats, l’image de leur rapatriement par vol-charter n’est jamais glorieuse. Flagrant délit d’échec d’une République malgache qui voit ses ressortissantes s’exporter comme putes à La Réunion (autre DOM français) sinon domestiques au Moyen-Orient. Image terrible pour tout un pays qui fait les polices réunionnaise ou mauricienne toiser le voyageur malgache.
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