De la légitimité des rois et reines merina


De nombreux souverains en Imerina sont accusés d’avoir usurpé le trône, qu’ils soient aimés ou détestés par leurs sujets. C’est le cas notamment d’Andrianampoinimerina, c’est aussi le cas de Ranavalona Ire. La légitimité est un problème en Imerina, écrit Simon Ayache, dans son étude intitulée « Esquisse pour le portrait d’une reine : Ranavalona Ire » (Omaly sy Anio, N°1 et 2, 1975). D’après cet auteur, le droit successoral de la monarchie merina reste si flou à travers l’histoire, qu’on hésite « à trancher en faveur ou contre la légitimité de Ranavalona ». Selon lui, y interfèrent sans cesse le choix du souverain régnant qui désigne généralement son fils préféré comme Andrianampoinimerina en choisissant Radama Ier ; les droits du neveu utérin : c’est la grande innovation d’Andriamasi­navalona, fondée sur les structures de la parenté merina ; la nécessité de l’adhésion populaire qui autorise finalement le peuple, mais surtout ses chefs, à choisir « le meilleur prince » et justifient toutes sortes de « révolution de Palais » : Andrianjaka est préféré à son ainé Andrian­tompokoindrindra, Andriamasinavalona supplante Andriantsitakatrandriana… « Il n’est pas un prince merina dont on ne puisse mettre en cause la légitimité. » Et, précise Simon Ayache, ce problème se pose justement pour les plus grands : Andriamasinavalona est imposé par la « révolution hova » d’Andria­mampandry ; Andrianampoinimerina chasse lui-même par la ruse, mais avec l’appui populaire, son oncle Andrianjafy, « prince exécrable»… En outre, les révolutions dynastiques, voire les successions attendues et considérées comme légitimes, « s’accompagnaient de crimes sanglants ». Ainsi, le meurtre des rivaux devient très vite rituel et attendu de tous. D’où l’étonnement de l’opinion en voyant attitude de Radama II qui refuse « d’inaugurer son règne par l’assassinat de son rival, Ramboasalama, son cousin ». Ainsi, souligne l’auteur de l’étude, le cas de Ranavalona Ire n’est pas extraordinaire et elle ne fait pas exception à une règle commune. « Elle n’avait même pas à ordonner l’exécution de Rakotobe, neveu de Radama, ses partisans y procédèrent d’eux-mêmes. » Pourtant ce meurtre lui est toujours reproché. On oublie souvent que le grand Nampoina, « si haut placé dans la légende et dans l’estime de tous les historiens (sauf Raombana) fit assassiner, s’il ne l’exécuta lui-même au profit de Radama, prince non moins couvert d’éloges, son propre fils ainé, Ramavolahy, guerrier valeureux ». Mais à la différence de Rakotobe, l’un des premiers élèves des missionnaires européens, Ramavolahy reste un « personnage anonyme ». Dans tous les cas, quelles que soient les circonstances de son accession au trône, « pas plus trouble que dans le cas des autres grands souverains d’Imerina, Rabodonandrianam­poinimerina est très vite « reconnue », « consacrée » et finalement « légitimée » par l’adhésion populaire et l’actif soutien des maîtres de la nation. En 1831, Raombana l’admet lui-même dans une lettre adressée à ses amis d’Angleterre : « La reine est aussi solidement installée sur le trône que le fût Radama. » En effet, pendant tout son règne, le Fandroana, Fête du Bain, continue de lui attirer la dévotion populaire. Elle reçoit du peuple et des Grands l’offrande du « hasina » qui reconnait le caractère sacré de son pouvoir, car elle symbolise le peuple, la nation merina, l’État. La fidélité de Raombana au service d’une reine détestée, « dans ses options de souveraine, mais pas toujours dans les contacts quotidiens », ne s’explique pas autrement. Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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