Bemiray


Si en Amérique latine, la prise de pouvoir par voie extra électorale se fait depuis belle lurette par la destitution constitutionnelle, « impeachment » diraient les Américains (le cas récent du Président péruvien, Pedro Pablo Kuczynski, qui, menacé d’être destitué, a préféré démissionner), en Afrique, on en est resté à la « bonne vieille méthode » du putsch (un coup d’État aurait été déjoué, en décembre 2017, en Guinée équatoriale). Par ailleurs, Tom Andriamanoro évoque certaines dérives mercantiles dans la lutte contre le Sida. Gouvernance - L’Afrique … au coup par coup [caption id="attachment_52255" align="alignright" width="174"] Mobutu Sese Seko et Jean-Bedel Bokassa ont pris le pouvoir
par des coups d’État et en sont éjectés par des coups d’État.[/caption] Le décompte pour une période allant des années 1950 à 2015 fait état de 89 coups d’État et vingt-et-un Présidents assassinés en Afrique, dont le Malgache Richard Ratsimandrava. C’est un peu trop, et le Continent noir n’a pas de quoi être fier quoiqu’avant de le juger il importe d’essayer de comprendre le pourquoi d’une aussi lourde comptabilité. Une raison qui revient le plus fréquemment est celle de rivalités à base ethnique exacerbées et téléguidées par des puissances extérieures au gré de leurs intérêts. L’Afrique est ainsi devenue un laboratoire d’expériences politiques, d’autant plus que son partage lors de la Conférence de Berlin de 1885 a planté les germes d’une discorde souvent tenace. On pourrait aussi citer les ambitions personnelles de militaires subalternes se sentant à l’étroit dans leur grade et qui, tentant le tout pour le tout, sont devenus du jour au lendemain généraux-présidents à vie. Qui n’ose rien n’a rien… Mais il ne faut pas oublier non plus la dimension d’une longue tradition dans laquelle seuls les plus forts méritent d’être chefs. Un putschiste qui réussit son coup se retrouve ainsi, en quelque sorte, légitimé par un héritage culturel qui n’a pas encore été totalement effacé dans les esprits par la logique occidentale d’un Président sorti des urnes. Un des tout premiers coups d’État africains authentifié comme tel par les historiens eut lieu en l’an 530 au royaume des Vandales dans l’actuelle Tunisie. Ce fut le prétexte pour l’empereur romain Justinien d’intervenir en Afrique. Après un simple survol des années 1240 en Égypte et 1493 dans l’Empire Songhaï qui connurent aussi des turbulences, nous nous retrouvons en 1895 dans le Transvaal où Leander Jameson tenta un coup de force contre le pouvoir en place. Ce fut le prétexte à la deuxième guerre des Boers. [caption id="attachment_52256" align="alignleft" width="195"] Le colonel Richard Ratsimandrava
est l’un des chefs d’État africains assassinés.[/caption] Autre siècle à l’autre bout du Continent, Gamal Abdel Nasser est resté dans l’Histoire égyptienne, africaine, et même mondiale comme le tombeur du roi Farouk 1er. C’est le 23 juillet 1952 qu’à la tête du mouvement des Officiers Libres il installe un Conseil de la Révolution présidé par le général Mohamed Nagui. En 1963 au Togo, des vétérans de l’armée française conduits par Gnassingbé Eyadema déposent le Président Sylvanus Olympio qui, assassiné, sera remplacé par Nicolas Grunitzki. Deux ans plus tard en Algérie, le colonel Houari Boumédiène, ministre de la Défense, renverse le Président Ahmed Ben Bella, pourtant un héros de la guerre d’indépendance. Cette même année 1965 voit l’accession au pouvoir de Mobutu Sese Seko dans l’ancien Congo belge qu’il baptise Zaïre. L’année suivante en Centrafrique, un simple sous-officier du nom de Jean-Bedel Bokassa renverse le président David Dacko et finira empereur. 1966 est aussi une année trouble ailleurs avec la prise de pouvoir du général Yakubu Gowon au Nigeria, de Milton Oboté en Ouganda, et de Joseph Ankrah au Ghana, lequel met fin aux dérives mégalomanes du panafricaniste Kwame Nkrumah. Ahmed Sékou Touré fera de ce dernier le co-président symbolique de la Guinée. Communauté internationale 1969 est une date lourde de conséquences pour l’Afrique avec le renversement en Libye du roi Idris 1er par un certain Mouammar El Khadafi, imité deux ans plus tard en Ouganda par un authentique poids lourd : Idi Amin Dada. Alors que la Place du 13 Mai est en ébullition à Antananarivo, 1972 frôle le drame au Maroc avec le complot d’officiers de l’armée de l’air conduits par le général Oufkir et le lieutenant-colonel Amekrane. À leur programme, abattre en vol l’avion du roi Hassan II à son retour de France. 1974 voit la fin du règne d’Hailé Sélassié en Éthiopie, une œuvre du général Aman Andom lequel sera à son tour éliminé par Mengistu Hailé Mariam, le « Négus rouge ». À partir de 1975, les Comores font régulièrement parler d’elles avec, cette année-là, la chute d’Ahmed Abdallah puis, en 1976, l’émergence d’Ali Soilih qui renverse Mohammed Jaffar. Et puis vient 1978 avec l’entrée en scène de Bob Denard qui met fin au marxisme balbutiant d’Ali Soilih, fort de la bénédiction des Services secrets français. La même année, Moktar Ould Daddah chute en Mauritanie, Denis Sassou-Nguesso renverse Yhombi-Opango au Congo, et l’Ouganda se libère d’Idi Amin Dada avec un fort coup de pouce international. Les années 80 voient le renversement du président libérien William Tolbert par un sergent passionné de foot, Samuel Doe, qui finira sa vie atrocement mutilé par son rival Prince Johnson. Au Tchad, Hissène Habré prend le dessus sur le chef de guerre Goukouni Weddei soutenu par la Libye, et au Burkina Faso on salue l’avènement de Thomas Sankara « l’homme qui a l’intelligence de dire et le courage de faire ». Il sera trahi en 1987 par son frère d’arme Blaise Compaoré lequel, interrogé sur ce qu’il faisait la nuit de l’assassinat de Thomas, eut cette réponse candide : « je dormais » ». Les années 90 furent tout aussi fertiles en bouleversements pour ne citer que le renversement du « Raiamandreny » Modibo Keita par Amadou Toumani Touré au Mali , la prise de pouvoir par le dictateur Yahya Jammeh en Gambie, la chute de Mobutu à Kinshasa et le début de l’ère Kabila, le coup de force de Robert Gueï en Côte d’Ivoire. La tonalité reste la même durant la décennie suivante avec ces aventuriers du quitte ou double que sont François Bozizé en Centrafrique, Faure Gnassingbé, digne fils de son père, au Togo, Moussa Dadis Camara en Guinée, Amadou Haya Sanogo au Mali, le général Gilbert Diendéré, un pro-Compaoré au Burkina Faso, et surtout en Égypte, le maréchal Fattah el-Sissi , protégé des Américains et tombeur du « frère musulman » Mohamed Morsi pourtant démocratiquement élu. Presque tous ces changements inconstitutionnels ont eu une constante : la présence en coulisses d’une certaine Communauté internationale, soutenant ceux dont elle voulait bien, et laissant à eux-mêmes ceux peu susceptibles de (bien) servir ses intérêts. Un prochain article sur la Françafrique nous en dira peut-être plus. Messieurs les inquisiteurs, n’est-il pas temps d’enlever les masques, vous risquez d’étouffer derrière ? Culture : La langue française à travers le temps Le français est en quelque sorte du latin parlé qui est parvenu à s’émanciper jusqu’à constituer une langue nouvelle. Le tout premier document pouvant être défini comme étant « du français » serait les Serments de Strasbourg (842) par lesquels deux petits-fils de Charlemagne se promettaient assistance. L’année suivante, le Traité de Verdun accordait à leur frère Lothaire une région qui prit le nom de Lotharinge pour plus tard devenir la Lorraine. Cette « autre » France en dehors des contours géographiques du futur État, était déjà comme une préfiguration de la francophonie. Plusieurs langues se développèrent à partir du latin dans ce qui sera la France, dont la langue d’Oc au Sud, la langue d’Oil au Nord, et une intermédiaire franco-provençale entre les deux. Chacune comportait d’importantes variations dialectales mais, servie par différents facteurs commerciaux, culturels et politiques, celle de l’Île-de-France s’imposa pour, au fil des siècles, devenir « le » français reconnu dans tout le royaume. En 1539 François Ier faisait du français la langue des actes juridiques, lui conférant une prééminence qui sera confortée sur le plan culturel par la fondation de l’Académie française un siècle plus tard en 1635. La Révolution conduisit une politique d’éradication systématique des dialectes et des langues régionales dont s’inspira le développement de l’école obligatoire au 19ème siècle, synonyme de mise à mort des patois. Ces derniers ne sont en fait que passés dans une certaine clandestinité puisque dès le siècle suivant, on assista à leur retour en force pour ne citer que le breton, le basque, l’alsacien, le corse, ou l’occitan. Ce renouveau des particularismes régionaux s’accompagne souvent d’une connotation politique à même d’incommoder le pouvoir central. [caption id="attachment_52257" align="aligncenter" width="249"] Les Immortels, les membres de l’Académie française, élaborent le dictionnaire qui fixe l’usage du français.[/caption] Recherche - Les extrêmes de la lutte contre le Sida C’était lors du quatre-vingt-dixième anniversaire de Nelson Mandela. Le respectable Nobel avait accepté de mettre l’évènement sous le signe de la lutte contre le Sida, ce qui montre que même parvenu au jusant de sa vie, la légende faite homme était restée le combattant qu’il a toujours été. Il eut d’ailleurs ces mots en ouvrant la soirée : « Mes amis et l’organisation caritative qui porte mon nom ont voulu utiliser mon anniversaire pour obtenir des fonds et continuer notre travail. Bien sûr j’ai accepté car je veux les aider ». Tout à son honneur, sauf que devant les paillettes et la débauche de moyens coûtant une fortune, déployés pour la réussite de la fête, il planait quand même quelque part un certain malaise. Dans les sociétés de riches, la différence est de plus en plus difficile à faire entre les amusements de la Jet Set dorée, et les causes autrement plus nobles. Bien sûr dira-t-on, la fin justifie les moyens, et on ne s’est pas scandalisé outre-mesure si parmi les prestigieux invités de ce « Mandela fiesta » on a compté Oprah Winfred, reine de toutes les télévisions américaines, Robert de Niro, Bill et Hillary Clinton, le Premier ministre britannique de l’époque, Gordon Brown, et on s’arrête là devant le risque d’avoir à citer une immense salle toute entière, chaise après chaise. Sur scène ce n’était pas moins restigieux, puisque l’organisateur qui ne regardait pas à la dépense avait composé une affiche galactique dans laquelle on retiendra au hasard les Queen, Papa Wemba, Joan Baez, les Simple Minds, le Soweto Gospel Choir et l’incontournable zoulou blanc Johnny Clegg… La fête fut nécessairement belle et réussie mais il est permis de se demander combien, au bout du compte, il a dû rester pour le Sida ! Mais c’est cela aussi très certainement ce qu’on appelle le Sida Business, une montagne qui en est à accoucher de son énième souris… [caption id="attachment_52258" align="alignright" width="257"] Des étudiants indiens du Kalinga Institute of social science participent à la célébration de la Journée mondiale contre le Sida, le 1er décembre 2016, en formant le fameux ruban rouge.[/caption] Réflexe de rejet Sur une île plus que « pôvre » puisque classée cinquième en matière de Dèche Nationale Brutale, une petite équipe de chercheurs s’attire les foudres des gardiens du temple de l’orthodoxie médicale. Motif, loin des monopoles des grands laboratoires, de l’argent coulant à flots, et des mondanités, elle aurait mis au point un virucide à base de plantes capable de neutraliser le VIH en…vingt jours. Ce n’est pas l’épisode numéro 2 du « Zaranaina Story », puisque les auteurs de la découverte ne sont pas des béotiens surgis de nulle part, mais présentent toutes les garanties de sérieux et de rigueur : Nirina Andriamanalina, récemment décédé, un authentique Professeur spécialisé en santé publique qui fut à une certaine période secrétaire général du ministère de la Santé, et son coéquipier Razafindramihaingo, Docteur en Pharmacie. Il n’est à l’idée de personne de reprocher aux autorités concernées leur prudence, on les y encourage même. Ce qui gêne, c’est cette frilosité à fleur de peau et ce réflexe de rejet que le simple citoyen peut assimiler à un désintéressement vis-à-vis des initiatives ne générant pas d’avantages financiers. Peut-être alors est-il aussi temps d’arrêter d’encenser « l’extraordinaire richesse » des plantes médicinales malgaches si nous-mêmes nous n’y croyons pas ? Pendant ce temps le Sida continue sa balade aux confins de l’enfer et s’en porte bien… [caption id="attachment_52259" align="aligncenter" width="342"] Nelson Mandela collaborait avec les artistes internationaux par l’organisation de concerts en faveur de la lutte contre le Sida.[/caption] Rétro pêle-mêle Vingt ans déjà, Mère Teresa quittait à jamais ses pauvres de Calcutta. Celle que Jean-Paul II a tenu à béatifier six ans seulement après sa mort avait eu ces mots en recevant son Prix Nobel en 1979 : « C’est au nom des affamés, des va-nu-pieds, des sans abris, des estropiés, des aveugles, que j’accepte ce Prix ». C’est elle aussi qui disait : « Si un jour je deviens une sainte, ce sera celle des ténèbres. Je serai constamment absente du paradis ! » Il reste aujourd’hui de Mère Teresa sept cents institutions dans le monde, quarante mille Sœurs missionnaires de la Charité, et des milliers de bénévoles soignant les malades et accompagnant les agonisants. Cinquante-deux travailleurs zambiens trouvaient la mort en 2005 dans une mine de cuivre exploitée par les Chinois. L’affaire a été étouffée, même s’il a été prouvé que les ouvriers n’étaient dotés ni de gants, ni de casques de sécurité. Depuis, le pot de terre zambien a appris à se faire écouter du pot de fer chinois, quelle que soit l’ampleur de l’apport en investissement qu’il représente. Et nous, et nous, et nous ? « Indéfendable », voilà un mot qui n’existe pas au glossaire de l’avocat Jacques Vergès. C’est lui en effet qui se proposa pour défendre la cause du sinistre Khieu Samphan, le bras droit de Pol Pot à la tête des Khmers rouges responsables du génocide cambodgien. Deux millions de morts et aucun regret de la part des criminels : « Nous les communistes khmers avons lutté pour la libération nationale, j’ai fait mon devoir envers ma patrie ». Quant à Me Jacques Vergès, le procès de Kieu Sampang a marqué le sommet d’une carrière atypique bien remplie.   Textes : Tom Andriamanoro Photos : Archives de l’Express de Madagascar - AFP
Plus récente Plus ancienne