Pas plus cruelle que ses prédécesseurs


Beaucoup ont écrit sur Ranavalona Ire, « l’usurpatrice du trône en 1828 », l’accusant d’être sanguinaire car trop superstitieuse. C’est le cas de voyageurs ou historiens qui la rendent « responsable d’exécutions et atrocités horribles ». Il y a aussi la lignée des écrivains et des historiens protestants ou catholiques, tels William Ellis qui « pose nettement le problème du règne de Ranavalona Ire en termes de relations politiques et culturelles avec l’Europe » (« Esquisse pour le portrait d’une reine : Ranavalona Ire », Simon Ayache, Omaly sy Anio, N°1 et 2, 1975). Pourtant, quelque temps après qu’elle a tourné le dos, les tentatives pour la réhabiliter apparaissent. Elles viennent tout naturellement des milieux protestants dès que l’indépendance et la souveraineté malgaches se trouvent menacées par les entreprises religieuses et politiques des Français, favorisées par la politique de son fils et successeur Radama II. « La reine tant détestée commença, au lendemain même de sa mort, à symboliser l’effort de résistance à l’Europe coloniale. » En évoquant les lois du pays, celles qu’établissent ses deux prédécesseurs, Rahaniraka qui est le frère de Raombana, son secrétaire privé, montre le fond du problème. Pour lui, ni Andrianampoinimerina ni Radama Ier ne sont ni moins cruels ni moins superstitieux que Ranavalona Ire. Si Radama abolit l’épreuve du tanguin sous l’influence de James Hastie, dit-on, « ce ne fut point par humanité. Il en avait simplement admis l’absurdité. Logique et charité ne se confondent pas. » Et d’ailleurs voici ce qu’écrit sur lui Raombana, dans ses « Histoires » : « À l’approche de la mort, Radama devint amer et cruel. Il soupçonna la sorcellerie d’être cause de sa maladie et ordonna de soumettre à l’épreuve du tanguin, certains de ses Tsimandoa (ses esclaves royaux et gardes du corps)… À son devin, il ordonna aussi de se mettre à l’œuvre pour découvrir un remède qui le rendrait à la vie… Ainsi Radama Le Grand fut encore l’esclave des coutumes de son pays quand il se trouva sur le point de mourir. Son puissant esprit ne put considérer avec calme et impavidité, l’autre côté de l’éternité… Certains grands hommes en Europe eurent bien, au moment de la mort, les mêmes défaillances que Radama… » L’historien juge plus sévèrement encore Andrianampoinimerina « usurpateur sans scrupules », « aussi monstrueux dans sa cruauté que génial dans sa politique ». Mais, estime S. Ayache, les appréciations de Raombana, même outrancières à l’égard de Ranavalona, ont une toute autre portée que celles d’un Grandidier ou d’un Malzac. Et d’expliquer : « C’est une civilisation, une culture morale qu’il met en cause, une éthique générale qui va bien au-delà de la simple cruauté d’une seule personne, aussi influente soit-elle. » S. Ayache essaie de « réincarner » la reine en esquissant son aspect physique- « son portrait exposé au Palais de la Reine à Tananarive est totalement imaginaire »- en indiquant que son visage est « finalement normal et tout simplement humain». Le père Louis Jouen lui, résume en 1856 : « Sa physionomie est celle d’une bonne maman et contraste étrangement avec le caractère sanguinaire qu’on lui connait… » Quant à son portrait moral, S. Ayache mentionne que ce serait difficile et se limite à déclarer : « Libertés du temps, libertés princières, prérogatives reconnues de la personne royale, jusqu’à l’inceste, inclusivement. » Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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