Entendons- nous mon cher Prési : la femme malgache parle


Quand vous avez discouru lors du lancement du sixième séminaire du Réseau des compétences électorales francophones (RECEF) hier, vous avez bien fait l’éloge de la femme. Pour cause, il est évident, le thème était « un processus électoral inclusif, favorisant la participation des femmes et des minorités ». Comme l’assistance l’attendait, vous avez fait votre « job ». Mais entre les dédales des mots et du discours, il y a eu un moment où le cœur des femmes malgaches ne pouvait que se serrer. C’était précisément à l’instant où, de vos superbes verbes, vous avez dit que « les femmes sont les mains douces qui caressent (...) Elles sont bien là, mais elles ne parlent pas ». Cela aurait été magnifique (et on prendra les dispositions pour que cela puisse se faire) que de pouvoir avoir la transcription précise de ce texte si élogieux de la gent féminine Malagasy. Si, mon cher Prési, la femme malgache parle. C’est elle qui crie famine en voyant les cinquante-deux pour cent des enfants du Sud exposés à la malnutrition chronique. Elle est celle qui a hurlé si fort dans l’incendie du village d’Antsakabary quand elle a été prise au piège dans les flammes des maisons incendiées par les policiers. Elle est également celle qui a, jeudi dernier, fait entendre son ras-le-bol contre l’insécurité et le kidnapping en sifflant de tout son corps durant cinq longues minutes. Si, mon cher Prési, la femme malgache gueule. C’est elle qui est allée à l’Assemblée Nationale pour faire entendre sa voix concernant ce code électoral suicidaire qui mettra de nouveau le pays dans des schémas de crise. Elle est celle qui a aussi appelé des jours et des jours dans la rue pour faire entendre son avis concernant la loi sur la cybercriminalité et le code de la communication. Elle est aussi une de celles qui se sont indignées et qui continuent de hurler face aux décisions inacceptables et irresponsables du Sénat concernant l’interruption thérapeutique de la grossesse. Elle le dit haut et fort : l’avortement est un droit et il ne peut y avoir de concession sur cette liberté de la femme de disposer de son corps. Si, mon cher Prési, la femme malgache est loin d’être celle qui caresse juste. Elle refuse de le faire car elle a mal. Elle est celle qui a mal de voir que, d’année en année, les buffets présidentiels de présentation des vœux du Nouvel An continuent malgré qu’elle mette des assiettes vides sur le jardin d’Antaninarenina pour dénoncer les gabégies des deniers du peuple. Elle a mal et s’est tenue debout, main dans la main avec d’autres femmes et hommes, pour dénoncer les coupures intempestives de l’électricité, la qualité exécrable de l’eau alors que, encore candidat, vous avez promis mon cher Prési que les délestages se règleront en trois mois après votre prise de fonction. Cinq années ont passé, mais il semble que les multiples cris, grognements, rugissements, pleurs et lamentation des femmes malgaches n’ont pas percé les murs de votre palais. Car il faut le dire, parler est une chose, se faire entendre en est une autre. On ne peut alors que démultiplier nos actions pour que notre cher Prési sache que la femme malgache parle. Mon cher Prési, la femme malgache n’est nullement une simple main qui caresse, elle peut aussi être la main qui...décrasse. par Mbolatiana Raveloarimisa
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