Agir, et ne plus tergiverser


Cette période de l'année est donc baptisée «saison pesteuse». Une saison qui aurait dû être reléguée en époque révolue. Parler de la peste rappelle bien, malgré soi, cette œuvre littéraire de Andry Andraina, «Mitaraina ny tany», roman social dont la période, justement, à une autre époque. Parler de peste en 2017, à une époque où l'on est censé s'inquiéter de choses plus en rapport avec son temps. Mais, admettons, puisque c'est le cas de toute évidence, que nous avons encore une saison pesteuse. Antananarivo, cette grande cité et ses 400 ans d'histoire, est une déchetterie à ciel ouvert. Les quartiers sont des amoncellements d'ordures et d'immondices, des urinoirs publics en plein air où chacun contribue à salir, fort de l'idée que le bien commun n'appartient à personne et est donc à la disposition de tout le monde. Les quelques opérations de sensibilisation à la propreté ont peu d'impacts, voire aucun. Il est pratiquement impossible de faire appliquer les moindres habitudes hygiéniques : les canaux restent invariablement bouchés, les ruelles demeurent inévitablement insalubres et que dire de l'intérieur de ces quartiers où la vie humaine côtoie insensiblement ses propres déchets. À cela s'ajoute le coût, devenu excessif pour les plus démunis, de l'accès à l'eau pour assurer une hygiène correcte. Et quand cette denrée rare est accessible, son usage doit être priorisé pour la consommation. Tout un écosystème vicieux qui cultive, sans peine, les ingrédients d'une maladie, voire d'une épidémie dangereuse. La panique liée à la réapparition des cas de peste est compréhensible : une épidémie serait une catastrophe, à tous les niveaux. Mais comment s'étonner d'avoir la peste chez soi, tout en vivant dans des conditions d'hygiène qui ne font qu'attiser toutes sortes de maladies liées à la saleté? Cette saison pesteuse 2017 devrait servir d'alarme et de signal pour une campagne radicale d'hygiène dans les maisons, dans les fokontany et dans les lieux publics. Il serait plus que temps de s'organiser d'une manière combative pour trouver un moyen pérenne et efficace de gérer nos déchets, de permettre aux familles d'avoir accès à une certaine hygiène de base et d'imposer le respect des habitudes de propreté en privé et en communauté. Notre terrible situation est le fruit de plusieurs décennies de laisser-aller qui ont dégénéré en des comportements volontaires contestataires envers tout ce qui nécessite des contraintes préalables et qui exige de modifier quelques habitudes pour le bien commun. Nous savons aujourd'hui que la moindre tergiversation amplifie le phénomène: nous ne pouvons pas accepter de vivre encore et encore dans de telles conditions. Être exigeants envers nous-mêmes et nos concitoyens, exigeants envers nos institutions publiques qui nous encadrent et qui gèrent nos villes. Etre exigeants pour des choses qui devraient relever de l'acquis mais que nous perdons par laisser-aller, par faux-fuyant et parce que chaque fois qu'une contestation face aux règles de vivre-ensemble se présente, nous ployons ou laissons les gestionnaires de nos villes ployer sous le poids de la pression. Le résultat est aujourd'hui clair : nous avons la peste en 2017. Le temps est donc venu d'agir, et de ne plus tergiverser. Par Mialisoa Randriamampianina
Plus récente Plus ancienne