Bemiray - « Pour que la mer ne soit plus la limite de notre rizière »


Le touriste hébergé chez l’habitant, avec des infrastructures conformes aux habitudes européennes : c’est la formule préconisée par Andria Raharinosy. Dans la plupart des cas, c’est la langue qui s’impose à l’écrivain. Enfin Tom Andriamanoro fait mention de l’hypocrisie autour des mariages mixtes en Afrique du Sud. [caption id="attachment_20296" align="aligncenter" width="300"]Le « bateau-brousse » permet de circuler sur le canal  des Pangalanes. Le « bateau-brousse » permet de circuler sur le canaldes Pangalanes.[/caption] Développement - Démarche citoyenne et tourisme durable Ce natif de Mananjary, qui y a passé toutes ses jeunes années, a les Pangalanes dans la peau. Il se rappellera toujours « qu’en ce temps-là », cette ville était une véritable destination touristique avec son Syndicat d’Initiative, son Club Nautique, dont les régates étaient courues, même par les voiliers de l’Armée française basés sur le plan d’eau d’Ambohibao. Le 15 août, l’Assomption, à Mananjary était une vraie fiesta, autant, sinon plus que Pâques à Antsirabe ! Tout cela pour dire que le tourisme, Andria Raharinosy est tombé dedans à la naissance, et on ne s’étonnera guère qu’il soit devenu consultant international en développement touristique, expert auprès de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), enseignant en tourisme à Paris I-Sorbonne et à l’Université de Grenoble, et fondateur de l’agence Holidays Madagascar qui vient de passer le cap de ses vingt ans… [caption id="attachment_20296" align="aligncenter" width="300"]Paysage de carte postale pour touriste au bord du canal  des Pangalane. Paysage de carte postale pour touriste au bord du canaldes Pangalane.[/caption] L’idylle avec le tourisme malgache commença pour lui dans les années 90, alors qu’il était « missionné » par l’OMT auprès de la Direction du tourisme malgache. L’occasion de se persuader qu’il y avait beaucoup d’initiatives à prendre pour que Madagascar soit valorisé en tant que destination. Pour lui, ce sera le tourisme chez l’habitant, « le plus pertinent à l’époque, puisque les infrastructures existaient déjà », pour peu qu’elles répondent aux habitudes européennes : chambre propre et salle d’eau chaude. Le concept ne s’assimilait donc ni au tourisme rural d’Ambohimahamasina, ni aux chambres d’hôtes. « On sélectionnait des familles d’accueil qui disposaient de ce standing sans pour autant vivre du tourisme, et qui avaient le bagage culturel nécessaire ». Pour éviter les zones d’ombre, une centrale d’achat était mise en place pour organiser le séjour, et était un passage obligé avant que le visiteur ait accès à sa famille d’accueil. Cette formule pionnière qui a beaucoup été plagiée n’a, en fait, pas été maintenue longtemps, et a plutôt servi d’argument de vente en faveur de la destination. [caption id="attachment_20299" align="aligncenter" width="300"]Andria Raharinosy a créé le concept de « tourisme chez l’habitant ». Andria Raharinosy a créé le concept de « tourisme chez l’habitant ».[/caption] Concept à trois Aujourd’hui, le temps et le ton sont à l’esprit du tourisme durable, les Nations unies ayant même décrété cette année 2017 « Année internationale du tourisme durable pour le développement ». Le problème auquel il faut faire face est en effet que le tourisme est un dévoreur d’espace, et que si on ne fait pas attention, le risque de tout détruire est bien réel. Le concept repose sur un trépied : un, la préservation du patrimoine naturel ; deux, la motivation et les intérêts des populations locales ; trois, l’aspect économique, générateur de profit, de l’activité touristique. La bonne alchimie est à trouver et à entretenir entre ces trois éléments indissociables, sous peine de tomber dans le « tourisme de cueillette » à l’instar d’un (mauvais) exploitant de litchi qui ne s’occupe ni de ses plants, ni d’un quelconque… plan pour maintenir la qualité et la pérennité de la filière. Je cueille et je me tire, aux antipodes d’une  vraie démarche citoyenne… En vertu de ce qu’on appelle « externalité positive » en économie, opérateurs et gestionnaires de destination sont tenus de s’appuyer sur cette dernière, contrairement à un Club Méd par exemple, dont le seul nom peut suffire pour vendre. S’ouvrir, travailler avec les autres, ne pas s’occuper uniquement de « son » chiffre sont un « must » vital aussi bien pour le pays que pour son tourisme. Le développement touristique doit intégrer d’autres aspects, notamment humains et sociétaux, et ne pas se jauger sur le seul nombre des arrivées. Le slogan de cette Année Mondiale est d’ailleurs « I am like you » illustré de la photo d’une paysanne. Question de mettre tout le monde sur le même pied d’égalité, en quelque sorte. Même les plus grands économistes dépassent aujourd’hui le seul Produit intérieur brut (PIB) pour aller vers l’Indice de développement humain (IDH). Le mot de la fin   « On a intérêt à avancer un peu plus vite et de façon plus structurée. Madagascar est un pays béni des dieux, mais il n’est pas le seul, et on n’en est pas toujours conscient ». [caption id="attachment_20297" align="alignleft" width="189"]Eugène TerreBlanche, un des irréductibles partisans  de l’apartheid en Afrique du Sud. Eugène TerreBlanche, un des irréductibles partisans
de l’apartheid en Afrique du Sud.[/caption] Histoire - L’apartheid côté basse-cour Les théoriciens de l’apartheid, grands lecteurs de la Bible, ont toujours soutenu que la race noire, maudite par le père Noé, était destinée à être l’esclave de la race blanche. Ces messieurs roses et barbus, descendants de paysans néerlandais et de huguenots français ont érigé cette idée fumeuse en dogme indiscutable, fourrant dans le sac des Bantous, les Xhosas, les Zoulous, et autres Hottentots. Le dogme a été déclaré concept dépassé en 1985, et officiellement abrogé en 1991. Il a cependant fallu des circonstances dramatiques encore présentes dans certaines mémoires pour que la « Nation arc-en-ciel » puisse naître, en dépit d’irréductibles tels que De Villiers, Eugène TerreBlanche et autres Botha, dont certains préférèrent émigrer sous d’autres cieux, probablement dans l’espoir d’y côtoyer des sociétés inodores, incolores, et insipides comme l’eau de pluie. Dans les faits, rien n’avait pu empêcher les métis issus de Blancs et de Noirs d’abonder et même de constituer tout un électorat, malgré certaines restrictions en matière de droits. Le développement séparé a en effet oublié de tenir compte du démon de midi : interdits sur le territoire de la république, les contacts épidermiques entre peaux blanches et peaux noires se pratiquaient dans un endroit accessible, sans passeport ni visa. Entre Mbabane et Manzini au Swaziland, une vallée dite « du bonheur » n’avait d’autre activité que l’industrie hôtelière et les casinos, et aucune autre clientèle que des couples mixtes d’hommes blancs d’un âge certain accompagnés de jeunes dames noires séjournant du vendredi soir au dimanche après-midi pour éviter les pénalités prévues par la Loi sur l’immoralité de 1957. Ces arrangements qui font partie de l’Histoire sont pudiquement passés sous silence puisque les mariages mixtes, autrefois interdits, sous peine de prison, pour le partenaire couleur café et d’une amende pour celui couleur vanille-fraise, sont désormais autorisés. Malgré tout, quelques réticences résiduelles font de la résistance, si c’est l’homme qui est Noir. Des personnes à la couleur intermédiaire occupent aujourd’hui les devants de la scène, non plus à titre symbolique mais à cause de leur valeur réelle. Très souvent, après les cycles d’enseignement au pays, ils poursuivent leurs études à l’étranger, y acquérant des bagages dont leurs compatriotes non Blancs ne peuvent que rêver. Une libéralisation réelle a officiellement remplacé l’apartheid, donnant un coup de vieux aux « protest songs » de Johnny Clegg qui ne frayait qu’avec les Zoulous. Mais sa musique qui a marqué tout un pan de l’Histoire est toujours recherchée. Probablement en raison des voix de basse profonde de ses partenaires noirs, devenues à jamais indissociables de la variété sud-africaine. BE4Écriture et culture - Prête-moi ta plume L’écrivain et sa langue. A l’occasion du Salon du Livre de Paris de 1985, la revue la Quinzaine littéraire avait adressé un questionnaire à un panel d’hommes de lettres pouvant représenter l’ensemble de la littérature francophone. Une des questions portait sur l’utilisation du français : un choix naturel ou au contraire une voie imposée par des raisons institutionnelles, d’enseignement, ou de pression sociale   Pour beaucoup d’interrogés, c’est la langue qui s’impose à l’écrivain, et non l’écrivain qui choisit arbitrairement sa langue d’écriture. Le Haïtien Jean-Claude Charles joue la carte de la sincérité : «La langue française m’a choisi et j’en suis très content. Je veux la garder, je veux pouvoir la tromper itou. Je veux pouvoir mélanger en elle ma raison et ma folie, mon présent difficile et ma mémoire… Je veux par-dessus ses épaules faire des clins d’œil assassins à d’autres langues, lui dire que je n’aime qu’elle parce que c’est vrai, la tromper avec d’autres parce que çà fait partie de ma vérité ». Le concept d’« étrangeté » est, pour le Suisse Yves Laplace, au centre même de l’écriture, ce à quoi adhère la Tunisienne Hélè Béji, quand elle affirme : « Rien n’est plus étranger à soi que soi-même. Quel rôle joue la langue, toute langue, dans cette étrangeté   Elle est la découverte subtile de ce malentendu, elle le notifie, mais ne l’élucide pas. C’est pourquoi il n’est de question plus inepte, plus vide, que de s’interroger sur l’authenticité ou l’appartenance de la langue que nous utilisons ». Et à tous ceux pour qui utiliser la langue française est un drame, le Belge Jean-Pierre Verheppen a ce conseil : « Qu’à cela ne tienne. Vivez-la life, comme un psychodrame en direct, joyeux et douloureux ». Le Marocain Tahar Ben Jelloun préfère quant à lui clore un débat qui ne mène à rien : « Je ne vais pas passer ma vie à m’expliquer, encore moins à justifier pourquoi j’écris en français. J’emprunte cette phrase à Henri James : Nous travaillons dans les ténèbres, nous faisons ce que nous pouvons, nous donnons ce que nous avons. Notre doute est notre passion, et notre passion notre tâche. Le reste est folie de l’art ». [caption id="attachment_20301" align="aligncenter" width="260"]La culture avait une place privilégiée pour Gisèle Rabesahala quand elle était ministre de la Culture. La culture avait une place privilégiée pour Gisèle Rabesahala quand elle était ministre de la Culture.[/caption] Déclin De l’écriture, quelle que soit la langue, à la culture, il n’y a qu’un pont, que les ministres de la Culture ont rarement eu la capacité de franchir dans un sens comme dans l’autre, exception faite peut-être de Gisèle Rabesahala à Madagascar, et bien sûr d’André Malraux en France. Ce dernier avait été nommé ministre d’État, numéro deux du gouvernement par De Gaulle, mais l’égard ainsi attribué à la culture n’a pas résisté à l’usure du temps. Sarkozy, par exemple, « se foutait » royalement de la culture, sa chose c’était l’argent et l’économie. La gauche hollandienne n’a pas fait mieux puisque, jamais dans son discours, la culture n’a fait l’objet de la moindre réflexion. Plus personne ne pense comme Mitterrand jadis, que l’homme ne se nourrit pas seulement de ses richesses, mais aussi de ses rêves. Le déclin de la culture, une évidence à Madagascar, est-il imputable à la révolution numérique   Pour Jérôme Clément, directeur général de la fondation Alliance française depuis 2014, le numérique c’est un peu la langue d’Ésope, la pire et la meilleure des choses selon l’usage qu’on en fait. « L’essentiel reste le contenu, pas les tuyaux ». Malheureusement, un rouleau compresseur est en train de tout mettre à ses normes, et les politiques, « dont le niveau culturel moyen a considérablement baissé », ne comprennent pas le danger ou ne veulent pas le comprendre. « C’est inouï de penser que les politiques sont devenus des comptables », se désole Jérôme Clément. Ce à quoi on serait tenté d’ajouter que certains l’étaient déjà avant de devenir des politiques, et ne peuvent plus que continuer à l’être. Des machines capables uniquement « de vérifier qu’on est au-dessus ou au-dessous des 3% », regrette avec une certaine ironie celui qui fut également directeur du Centre national du Cinéma et de la chaîne Arte… BE6Rétro pêle-mêle Pour Madagascar National Parks, tous les records de fréquentation sont battus en 2011. Si 2008 a déjà été une assez bonne année avec 135 000 entrées, ce chiffre est monté à 159 000 cette année-là. L’Isalo en bordure de la Nationale 7 caracole toujours en tête avec 32 000 visiteurs. En plus de ses paysages ruiniformes, il offre l’opportunité de randonnées de différents niveaux de difficulté et durée. L’Isalo est suivi par Andasibe Mantadia avec 26 000 visiteurs, le pôle d’intérêt y étant la Réserve spéciale d’Analamazoatra et ses indri-indri. Ranomafana pointe à la troisième place avec ses 21 000 touristes « verts ». En plus de bénéficier d’une bonne infrastructure d’hébergement, il est le mieux équipé pour la découverte de la biodiversité de la forêt humide de l’Est. Ranomafana est à égalité avec l’Aire protégée marine et côtière de Nosy Tanikely à quelques encablures de Nosy Be. Madagascar National Parks y a mis en place un système de cogestion des fonds sous-marins. Trois Parcs dépassent les 10 000 entrées, à savoir la Montagne d’Ambre (15 000), l’Ankarana (14 000), et les Tsingy de Bemaraha qui, avec leurs 10 000 visiteurs, sont en progression de 16% par rapport à 2008. Ankarafanfsika, Cap Masoala, Tsimanampetsotse, et Marojejy se situent dans la tranche des 1 000 à 5 000, alors que, malgré leur intérêt, Cap Sainte-Marie (400) et la biosphère de Mananara Nord (180) souffrent de leur difficulté d’accès.
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