La Femme majuscule


Conversation entre Dieu (j’ignore lequel parmi tous ces dieux que l’Humanité a créés à son image) et un Homme générique. L’homme s’énervait : «Dieu, pourquoi toutes les filles sont mignonnes et douces tandis que les épouses nous emmerdent autant ?» Et Dieu lui répondit : «Moi, je crée les filles, mais c’est vous qui en faites des épouses ! C’est votre problème !». «Emmerdantes, Emmerdeuses, Emmerderesses» : l’auteur de ce triplet macho est un certain Paul Valéry (1871-1945). Élu à l’Académie française le 19 novembre 1925, Paul Valéry y sera réceptionné par Gabriel Hanotaux, plusieurs fois ministre des Affaires Étrangères, mais surtout de janvier à octobre 1895, durant toute «L’Affaire de Madagascar» dont il fit un livre en 1896. Paul Valéry, c’est également celui qui a arrêté un diagnostic fameux, repris en cours de philo, disséqué à longueur de manuels du baccalauréat, placé fort à propos dans les conversations éduquées : «Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles». J’aurais pu, pour écrire «emmerdante», «emmerdeuse», en toutes lettres, et ne serait-ce que pour son titre, me revendiquer également de Georges Brassens avec sa chanson «Misogynie mise à part» : il y conjugue avec délectation le verbe emmerder. L’emmerdement de questions en rafale qui n’attendent pas de réponse. Question à intuition de longue portée balistique qui ferre dans sa mire de sixième sens une cible invisible, un mirage virtuel, un préjugé. Question à tête chercheuse avec rétardateur de déclenchement et munitions de rancoeurs. Question avec teragiga de mémoire du moindre vieux détail. Surtout détail. Surtout vieux. Le grand malentendu universel de cette autre maxime populaire : «Un homme épouse une femme en espérant qu’elle ne change jamais ; une femme épouse un homme en priant qu’il change un jour». Deux systèmes d’exploitation aux incompatibilités infinies, même si des passerelles existent, comme au bien vieux temps de la Grande Muraille entre les Mac et les PC. L’unique travée humaine visible depuis l’espace : étroite, cahotique, tortueuse. Parfois, pavée de bonnes surprises et de belles rencontres. Impression de déjà vu de l’éternel recommencement. Recette de grand-père, surprise du Chef. Réserver la fin. Servir inédite. De surprise en surprise, on se surprend à encore surprendre. Ce n’est pas l’autre métier qui est le plus vieux du monde, mais ce jeu de dupes. Et dieu créa la femme. Heureusement. Car l’autre grand malentendu est notre paradoxe masculin à ne pouvoir se passer d’Elle. Alexandre d’Antioche a immortalisé ses seins dans une Vénus de marbre. Courbet a peint son sexe en «Origine du monde». Aznavour chante la ligne de son sein et le galbe de sa hanche. Un monde sans LA femme, vous n’y pensez pas ! Ce dieu-là, qui a créé les filles, n’est pas celui qui les enferme dans la burqa ; ni celui qui les exclut de la mixité du Mur à Jérusalem. Ici, pas de bien grands mots. Juste que j’aime les femmes qui aiment les hommes qui aiment les femmes. Pour vous dire, Mesdames, que je ne suis pas contre LA femme, mais tout contre. Et cette «petite chanson de reconnaissance»: de la quarantaine rugissante, d’une cinquantaine houleuse. Avec l’espoir secret que, sur l’océan des âges, nous ne jetions jamais l’ancre, même pas un seul jour. Et envoyez la musique de Jean-Jacques Goldman : J’ai une tendresse particulière Pour ces filles qui ne font pas de manières, Les hospitalières, les dociles, Vous les appelez les filles faciles. Celles qui ne marchandent pas leur corps, ni pour des mots, ni pour de l’or, Pour quelques notes de guitare, elles dormiront un peu plus tard. Celles qui n’échangent pas leur plaisir, pour ce qu’on pense ou ce qu’on va dire, Qui disent OK pour les enfers, contre un peu de paradis sur terre. Des petits moments piqués en fraude Pleins du goût des baisers volés Sans qu’on en parle ou qu’on y pense Sans après promis ni juré. Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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