La paix de nos tympans...


Il existe, dans la jolie ville ensoleillée de Morondava, une rue paisible entre laquelle l'on trouve d'un côté une charmante petite église catholique, accotée à un collège de la même confession, et un mosquée, blanc et magnifique sous le ciel azuré. Le quartier est calme et, les jours de classe, l'on n'y entend généralement que les voix des enfants dans la cour de l'école. Des enfants aux origines hétéroclites, aux religions différentes, qui étudient dans les mêmes salles de classe, comme le voulait le rêve de Délia Tétreault qui a inspiré le collège. Dans une époque où l'on est désormais habitué à l'affrontement des religions, clochers contre minarets, églises aînées contre églises nouvelles, l'image de cette rue paisible semble venue de loin. Mais le symbole n'est-il pas fort : une coexistence pacifique et tranquille. Au-delà des quelques traditions qui forment ces lieux de cultes et les religions qu'ils incarnent, l'ensemble apparait cohérent et même convivial. Je tiens à garder cette image en tête. La possibilité d'un vivre-ensemble serein, où l'on se respecte mutuellement et où l'on tient à ne pas donner de soi comme de l'autre une image agressive. Car inversement, dans mon voisinage tananarivien, un nouveau groupe de prières s'est formé. Un nouveau, car dans la rue d'en face, un groupe s'est déjà composé. Plus haut, à un autre bout du quartier, un groupe a fini par prendre assez de forces pour créer sa propre église. Pendant quelques semaines, un groupuscule armé d'instruments de sonorisation a décidé de prêcher leur bonne nouvelle en plein cœur du quartier, faisant régulièrement un bruit assourdissant. Ils n'ont pu être délogés qu'après de multiples plaintes auprès du fokontany pour pollution sonore. Mais autant le dire : la vie au milieu d'un tel tintamarre est simplement pénible. Pénible d'entendre des chants tapageurs à longueur de journée. Pénible d'entendre des sermons guerriers après une dure journée de labeur. Pénible de devoir se calfeutrer derrière ses écouteurs pour avoir un peu de silence. Pénible de ne pas pouvoir mériter des instants de silence. L'argument massu reste l'idée qu'une «opération» d'évangélisation ne peut qu'être profitable à autrui quelle que soit sa forme et qu'il est toujours préférable de «laisser faire» au nom d'un dieu - quel qu'il soit. Loin, bien loin, de l'idée de mettre un haro sur la liberté de culte et le droit des personnes de choisir et exercer leurs propres religions. Mais il semble donc qu'il est bien difficile de reproduire l'ambiance apaisante de cette rue de Morondava où une église et un mosquée cohabitent sans se fustiger l'un l'autre mais aussi sans créer de gêne aux habitants du quartier qui n'ont rien demandé à personne. Et qui ne demandent toujours rien que le droit de vivre dans le calme, sans se faire haranguer, ni alpaguer par des propos propres à exténuer les réserves de tolérance. Si les uns peuvent vivre follement leurs religions, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous autres, apprécier la nôtre, de religion: celle du calme et de la sérénité. Puisque Dieu est paix, se pourrait-il que la paix de nos tympans et de nos journées soit aussi une priorité pour ses ouailles ? Par Mialisoa Randriamampianina
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