Réclamations conservatoires


Le Malgache a une relation à psychanalyser avec le feu. Pourquoi la foule de la Place du 13 mai 1972 a-t-il brûlé l’Hôtel de Ville, avec les documents d’état-civil de toute la popu­lation ? Pourquoi quelqu’un (on ne saura jamais qui) a brûlé le Palais d’Andafiavaratra le 11 septembre 1976 ? Pourquoi quelqu’un (on ne saura jamais qui) a-t-il mis le feu au Rova d’Antananarivo le 6 novembre 1995 ? Pourquoi la foule de la Place du 13 mai 2009 a-t-elle incendié la Radio Nationale, avec les dernières archives audio de tout un pays ? Le feu purificateur devient surtout des flammes devastatrices dans notre culture récente. Il n’y a qu’à regarder la terre noircie par les feux de brousse à chaque approche sur l’aéroport d’Ivato. Et quand la foule excitée ne s’en prend pas aux symboles de l’État, de l’ordre, de l’autorité, elle se défoule sur les maisons particulières des dignitaires en place. Une furie révolutionnaire dont les ressorts envieux mériteraient également psychanalyse. La nuit où j’ai assisté à la destruction totale du palais Manampisoa à Anatirova, je pleurais moins la réduction en cendres de l’édifice d’époque que la disparition à jamais d’archives et d’objets historiques. « Dépêchez-vous de manger sur l’herbe, un jour ou l’autre, l’herbe mangera sur vous », enjoignait le toujours facétieux Jacques Prévert. De quoi faut-il que le Malgache se dépêche ? De numériser toutes les archives historiques, toutes les photos d’époque, de prendre de strictes mesures conservatoires à l’endroit des objets sauvés des flammes de 1995. Desseins d’un fada ? Je pense que, au-delà des affirmations découlant des seuls textes juridiques, il nous est possible de renoncer à véritablement posséder, immédiatement, des témoignages dont nous ne saurions que faire. OBJET 1. Ny Gazety Malagasy, 3 avril 1896, page 21 : le général Duchesne avait été reçu, le 23 février, par le Président de la République. Au cours de cette entrevue, le général a remis à M. Félix Faure la lettre autographe que S.M. La Reine de Madagascar lui avait confiée et qui était renfermée dans un sachet de soie rouge brodé d’or, portant les initiales royales. OBJET 2. Ny Gazety Malagasy, 1er mai 1896, page 54 : Le 23 avril, S.M. La Reine a fait chevalier de l’ordre de Radama, M.Ratsimihaba, 13 Hrs, O.D.P. M.Ratsimihaba part en France, comme envoyé extraordinaire, accompagné de M. Le lieutenant Collet-Meygret, pour porter à M. Le Président de la République, au nom de la Reine, l’écharpe rouge et la grande étoile, qui sont la plus haute décoration du royaume malgache. OBJET 3. Ny Gazety Malagasy, 22 mai 1896, page 84 : Le général Duchesne est en possession de la plume avec laquelle la reine de Madagascar et lui-même ont signé, à Tananarive, le traité du 1er octobre. Cette plume avait été conservée par le capitaine chef du service géographique de l’expédition, et présent à la signature. Mais, au cours de la traversée qui ramenait son état-major à bord du Yang-Tsé, le général Duchesne, ayant une pièce à signer, s’adressa au même officier, qui lui offrit la fameuse plume en faisant connaître son précédent usage. Le général lui exprima alors son désir de la garder, et le capitaine ne put que s’incliner. OBJET 4. Académie malgache, Séance du 16 mai 1974, p.XXXIX : «Mme Crosthwait, épouse de Son Excellence l’Ambassadeur de Grande-Bretagne, a présenté avec projections et commentaires les peintures du Musée du Palais de la Reine, en particulier les fresques de la Tranovola montrant l’armée du roi Radama 1er, les soldats habillés et équipés d’uniformes britanniques fournis par la Grande-Bretagne sous le Traité de 1817». Par Nasolo-Valiavo Andriamihaja
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